Les 4 phases du retour au travail : un modèle pour mieux accompagner

Pourquoi penser au retour dès le début de l’arrêt ?
On entend fréquemment cette phrase bienveillante mais paradoxale : « Prends soin de toi, et surtout, ne pense pas au travail. » Si le premier conseil semble évident et nécessaire, notre psychologue s’interroge sur le second :
« Est-ce possible de ne pas penser à un élément de notre vie qui nous a épanoui un certain temps, qui nous a nourri, qui nous a permis de nous construire en tant que personne et… qui nous a coûté aussi ? »
En psychologie du travail, il existe plusieurs modèles sur la reprise professionnelle. Tous s’accordent sur un point clé : le processus de retour au travail commence dès le premier jour d’arrêt.
« Durant mes années de pratique clinique, j’ai pu constater que mes patients en arrêt maladie pour burnout parlaient de la reprise du travail dès la première consultation. Les questions de quand ? comment ? où ? le même job ? faire autre chose ? étaient omniprésentes », explique notre psychologue, Stéphanie Delroisse.
Cette réalité pousse à reconsidérer la notion de "repos total" : prendre du recul, oui, mais en gardant un lien à soi et à son avenir professionnel.
Présentation du modèle en 4 phases
Sur base de de son expérience clinique et de sa connaissance scientifique, notre psychologue a construit un modèle en 4 phases permettant d’accompagner la trajectoire de retour au travail de manière plus fine et personnalisée. Ces phases peuvent se chevaucher, se répéter, ou durer plus ou moins longtemps selon les individus. Voici les différentes phases:
1. Phase de repos
Cette phase correspond au retrait volontaire ou conseillé de la sphère professionnelle. L’objectif est double :
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Se distancier des stresseurs (professionnels ou privés) qui ont contribué au mal-être.
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Reconnaître les symptômes, poser un diagnostic et reconnaître l’importance de cette mise à l’écart.
« C’est une phase d’acceptation, qui n’est pas passive : elle permet d’initier un processus de récupération. »
2. Phase de récupération
Ici, la personne s’engage activement dans sa reconstruction personnelle. Elle cherche à comprendre les causes de son épuisement ou de sa maladie, entame des démarches de soin, teste de nouveaux outils pour aller mieux.
C’est aussi une phase d’expérimentation : gestion du stress, amélioration de la qualité de vie, redécouverte de soi en dehors du rôle professionnel.
3. Phase de reconstruction
Cette phase marque le retour progressif du projet professionnel dans la pensée active.
« Le travailleur détermine où, quand, comment, et sous quelles conditions il pense reprendre le travail », explique notre psychologue.
C’est un moment charnière : des pistes sont explorées, un dialogue peut (re)commencer avec l’employeur, une formation peut être envisagée… Bref, le futur professionnel commence à se dessiner autrement.
4. Phase de reprise
Le retour concret au travail s’effectue souvent de manière graduée : temps partiel médical, adaptation du poste, suivi psychologique ou médical.
Mais cette phase ne marque pas la fin du processus :
« Le travailleur continue à évaluer son état psychique et physique, sa satisfaction au travail, et ajuste ses limites en fonction de ses priorités. »
C’est une phase de consolidation, où l’on cherche à construire une reprise durable.
Implications pour les employeurs et les accompagnants
Ce modèle a une portée pratique importante pour les employeurs, les RH, les collègues et tous les professionnels de l’accompagnement :
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Ne pas réduire le retour au travail à une date sur un papier médical. Il s’agit d’un processus psychologique et identitaire.
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Favoriser la communication dès la phase de reconstruction : offrir des points de contact sécurisants, proposer une visite de reprise, écouter les besoins réels du collaborateur.
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Accompagner la reprise sans précipitation : prévoir un aménagement temporaire du poste, évaluer régulièrement l’évolution, proposer du feedback.
En comprenant que la reprise commence bien avant la reprise physique du poste, on peut co-construire un retour plus respectueux, plus durable et plus bénéfique pour tous.
Conclusion et matière à réflexion
Le retour au travail après un arrêt longue durée n’est pas un simple redémarrage. C’est une reconstruction progressive de soi dans son rapport au travail. Penser le retour dès le début, c’est se donner les moyens de revenir autrement, en se respectant, en évitant les rechutes, et en construisant un avenir professionnel plus aligné, tenant compte d’un nécessaire bien-être au travail.
« Le retour au travail est un chemin personnel, mais jamais solitaire. En tant que psychologue, je crois profondément qu’un cadre structurant, bienveillant et évolutif permet de traverser ces phases avec plus de clarté et de sécurité. »
À méditer : et si on formait davantage les managers à ces 4 phases ? Et si le monde professionnel intégrait cette vision cyclique et non linéaire de l’engagement au travail ?